Au début des années 1780, une certaine critique libérale française investit le champ du patrimoine théâtral et oppose « l’affectation » de Racine au verbe « franc » et à la morale austère de Corneille. David, qui semble toujours, par le choix de ses sujets, assez proche du camp des philosophes et des progressistes, choisit justement, pour honorer sa première commande royale, d’illustrer la rude éthique de l’Horace de Corneille. L’artiste représente le moment où les frères prêtent serment sur les épées que leur père leur présente, tandis que sur la droite les femmes de la famille manifestent leur douleur par leur attitude accablée. La composition radicalise les partis pris de dépouillement des précédentes toiles de David : nombre restreint des personnages, enchaînement strictement linéaire de la disposition en frise, claire répartition des volumes, des espaces et des couleurs. Le tripartisme régulier et oppressant du décor architectural (les trois arcades) enserre de façon équitable chaque instance nécessaire au complet déploiement de la scène : l’action (les guerriers à gauche), l’autorité morale qui la conduit (le père au centre), la psyché qui en souffre (les femmes affligées à droite).
Par Guillaume Faroult
Source : Le Louvre
Jacques Louis David (1748-1825)
Le Serment des Horaces, entre les mains de leur père, 1784
Huile sur toile, 330 x 425 cm
Coll. musée du Louvre, Paris.
Photographe : Erich Lessing
Copyright photo : © 2009 Musée du Louvre / Erich Lessing
Notices extraites du catalogue de l’exposition L’Antiquité rêvée. Innovations et résistances au XVIIIe siècle.
Coédition Musée du Louvre Editions / Gallimard