Aller au contenu principal

Les tout premiers ateliers italiens de la Renaissance

Notez cet article
Average: 2 (1 voter)

Thématique : Oeuvres - Département des Arts graphiques
Titre : Eléments du Livre de modèles Rothschild : Etudes d’animaux
Précisions : Collection Rotschild, Exposition "Dessins vénitiens"
Datation : 1450
N° d'inventaire : 759 DR
Photographe : Angèle Dequier
N° Image : AD080085
Copyright photo : © 2008 Musée du Louvre / Angèle Dequier

Le baron Edmond de Rothschild a conservé tout au long de sa carrière de collectionneur le goût de la bibliophilie hérité de son père James, dont on retrouve du reste l’ex-libris sur plusieurs volumes de gravures maintenant au Louvre. Parmi les dessins les plus anciens de la collection, datant du XVe siècle, figurent les feuillets complets d’un ancien album et un précieux livre de modèles qui composent le noyau de la présentation au Louvre.

En 1883, la maison Christie’s à Londres mettait en vente plusieurs pièces provenant de la collection du duc de Marlborough, dont un album identifié comme un ensemble de vues d’architecture, divisé en 18 lots. La destruction de la reliure, dont on peut penser qu’elle eut lieu en raison de la vente, s’est révélée inutile, puisque le baron Edmond de Rothschild s’est porté acquéreur de la totalité des lots. Il s’agit d’un ensemble exceptionnel de dessins exécutés successivement sur les mêmes feuillets par trois artistes sur une durée d’un siècle. À l’origine, l’album semble avoir été considéré essentiellement comme un recueil de vues d’architecture de l’extrême fin du XIVe siècle : églises, palais, cours intérieures d’édifices dont l’ornementation complexe et la préciosité ressortissent au style gothique international qui se développe dans toute l’Europe entre 1380 et 1430.

Le premier dessinateur a complété son album par des scènes figurées qui revêtent un intérêt particulier. L’une d’elles a pu être identifiée comme une copie d’après une fresque perdue d’Altichiero (vers 1330-1390) dans la grande salle du Palazzo Scaligeri de Vérone – la prise de Jérusalem par les Romains. L’emblème des

Scaligeri figure sur une bannière et un dessin en collection privée présente une composition identique à celle de la partie inférieure de la feuille Rothschild avec la mention « di maestro Altichiero qual depinse la sala del Podesta ».

Sans aucun doute, la vision panoramique de cette série de fortifications où évoluent des cavaliers, des fantassins et des captifs, tous en costume contemporain d’Altichiero, correspond à la grande fresque disparue qui, sous couvert d’un sujet d’histoire, célébrait la grandeur de la dynastie des seigneurs de Vérone. Mais ce « copiste d’Altichiero » ne semble pas s’être limité à cet extrait du décor, et tant le paysage escarpé truffé de forteresses que les combats de cavaliers de la même main sur d’autres feuillets, renvoient certainement au cycle de Vérone. Par ailleurs, deux dessins sont consacrés à la Nativité, avec une jolie étude naturaliste de cabane en bois. On y retrouve des éléments qui s’accordent assez bien avec des détails des fresques d’Altichiero à Padoue où il a décoré vers 1380 la chapelle San Giacomo dans la basilique Saint-Antoine ainsi que l’oratoire San Giorgio, adjacent.

Ensuite, dans le premier quart du XVe siècle, un autre artiste nettement marqué par l’élégance du style de Gentile da Fabriano a disséminé dans l’album des études de figures à la fois monumentales et élégantes. La dernière intervention se situe vers 1500. Son auteur reste anonyme, même si son corpus commence à être bien connu grâce à l’étude d’un album de la même main conservé au Sir John Soane’s Museum de Londres. Il s’agit donc d’un ensemble exceptionnel, révélateur des usages en vigueur dans les ateliers d’artistes d’Italie septentrionale au tout début du XVe siècle.

Dès le milieu du XVe siècle, Florence devient un centre de la création sous toutes ses formes. Sa modernité passe aussi par l’usage intensif du dessin dans les ateliers d’artistes souvent polyvalents, amenés à peindre comme à sculpter. Orfèvres de renom, ils donnent des modèles de broderie, et conçoivent des décors éphémères pour les cérémonies et les fêtes. C’est le cas de Maso Finiguerra et des frères Pollaiuolo, dont le nom est associé à l’invention du nielle [lire encadré]. Dès 1880, le baron Edmond de Rothschild acquit un petit carnet d’études d’animaux dessinés à la plume et au lavis brun sur vélin. L’origine indiquée par les archives est celle de la collection de l’orfèvre et amateur Castellani. Ce précieux objet n’a pu être donné précisément à un artiste identifié, il relève de l’activité d’un atelier florentin vers 1440-1450 à l’époque de Fra Angelico, Maso Finiguerra, Benozzo Gozzoli et Francesco Pesellino. Un des motifs animaliers, le lévrier de profil regardant vers l’arrière, est emprunté à L’Adoration des Mages de Gentile da Fabriano exécutée pour le Florentin Palla Strozzi en 1423 (musée des Offices). Ce type de motif apparaît à la même époque dans les gravures en manière fine, dont certaines pièces célèbres ont été collectionnées par le baron Edmond de Rothschild. On peut remarquer des analogies avec le répertoire de l’héraldique et noter la présence d’animaux plus ou moins symboliques ainsi que de scènes de chasse dans de nombreux tableaux, même religieux. Par leur finesse d’exécution, ces dessins constituent un exemple du travail d’un atelier à l’aube de la période la plus intense de la Renaissance florentine, alors que la dynastie des Médicis fortifie son pouvoir, sous la conduite de Cosme puis de Laurent le Magnifique. Dès ce moment, les artistes maîtrisent à la perfection toutes les techniques. Ainsi, Benozzo Gozzoli prépare ses cycles d’histoire religieuse et profane à partir de dessins à la plume ou d’études de figures isolées, notamment de portraits, avec la pointe de métal et le pinceau sur papier lavé ou préparé. Les dessins conservés de Filippo Lippi sont réalisés dans cette technique qui sera privilégiée par ses élèves, dont les maîtres contemporains de Laurent, Filippino Lippi et Botticelli.

 

par Catherine Loisel

 

 

« De Finiguerra à Botticelli, les premiers ateliers italiens de la Renaissance »
Du 7 juillet au 3 octobre 2011. 
Aile Sully, 2e étage, salles 20-23.
Commissaires de l’exposition : Catherine Loisel et Pascal Torres.

À lire
De Finiguerra à Botticelli, les premiers ateliers italiens de la Renaissance, catalogue de l’exposition, sous la direction de C. Loisel et P. Torres, coéd. musée du Louvre Éditions/ Le Passage, 160 p., environ 100 ill., 28 €.

 

Source :  Le Louvre