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Petite Chronique du Costume: Portrait d’une jeune femme libre

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Pierre-Narcisse, baron GUÉRIN (1774 – 1833),

Jeune fille en buste, vers 1794 - H. : 0,61 m. L. : 0,50 m.

 

Article extrait du magazine Grande Galerie – Le Journal du Louvre, n°11, mars/avril/mai 2010

Par Sabine de La Rochefoucauld

 

Habillée ? Elle est nue, une main soutenant sa poitrine l’autre offrant aux regards le téton de son sein ! On aperçoit un linge blanc qui habille le bas de son corps. L’attention se porte sur sa chevelure aux mèches rebelles : la jeune femme qui pose a osé la coupe dite « à la Titus».

 

Les origines de cette coiffure sont diverses, l’influence de l’Antiquité, celle de Napoléon Bonaparte surnommé : « le Petit tondu », après la campagne d’Italie en 1796 et enfin celle de madame Tallien, une des merveilleuses du Directoire qui, emprisonnée pendant la Terreur, aurait utilisé ses cheveux, mèche par mèche, pour faire passer des messages. Délivrée après Thermidor, elle les fit égaliser « à l’antique». Cette mode est surtout un instant de liberté que les femmes s’offriront, pour un très court moment. La coupe à la Titus, illustration de l’émancipation des femmes, ne dura qu’une dizaine d’années et ne fut portée que par une petite fraction de la société. Aucun grand portrait officiel n’en témoigne, et l’on n’en trouve trace que dans les estampes de mode, les gravures satiriques et des portraits plus intimes comme celui-ci.

 

La Titus donnait une allure d’indépendance: « ... point de schall, point d’éventail, point de mari qui lui donne le bras, point de valet qui la suive ou de femme de chambre qui l’accompagne, débarrassée de tous ces accessoires fâcheux, une jeune femme du meilleur monde va le matin se promener sur le boulevard, courir pour se distraire ou faire des emplettes. Avec son petit chapeau de feutre ou de paille noire qui couvre sa masculine Titus... elle marche les pieds en dehors, la tête droite et d’un air délibéré comme un jeune homme qui quitte le lycée... Une femme entre chez un restaurateur, elle porte une redingote de drap, comme un homme, un chapeau couvre ses cheveux coupés. Elle ôte lestement ce chapeau... et fait gracieusement la toilette de sa Titus en passant les cinq doigts dans ses cheveux et en se frottant bien la tête... » Le coiffeur Palette dira encore « Une femme à la Titus est une rose épanouie, elle donne l’air jeune, remplace tous les ornements, les bijoux et les plumes ».

 

Au bal des Victimes où n’étaient admis que ceux qui avaient perdu l’un des leurs sur l’échafaud ; « on s’y montrait, coiffé à la Titus, la nuque dégagée comme par le bourreau, un fil de soie rouge autour du cou ».Un tel comportement choquait et, pendant quelques années, cette coiffure alimenta la polémique.

Les jeunes femmes ayant commis l’imprudence de la coupe à la Titus, effondrées d’avoir cédé aux sirènes de la mode, porteront un « cache folie » : une perruque qui dissimulera leurs cheveux trop courts. D’autres se couvriront d’une perruque courte nommée Titus, ainsi les élégantes pourront suivre la mode sans pour autant couper leurs cheveux mais les dissimulant. « Une tête ainsi coiffée est à l’image d’un porc-épic. Ne craignez rien pourtant, toutes les roses ne piquent pas, sous une perruque à la Titus, nos belles n’ont de cruauté que l’apparence... ».

 

Les années 1794-95 vont connaître une vague sans précédent de perruques. L’origine est à la fois curieuse et morbide : la guillotine. «…Robespierre en plongeant la France dans le deuil, tira les perruques de l’oubli où elles allaient tomber. Les amants et les épouses éplorées cherchèrent à sauver les cheveux de leurs aimés qui allaient périr par la main du bourreau pour en orner leur propre tête ». Cette touchante sollicitude donna naissance à de nouvelles perruques et l’abondance de têtes coupées, au commerce des cheveux à bas prix !  Devenues des objets courants, tout le monde en porte « Aussi la plus mince soubrette rougirait-elle de paraître aux fêtes de Monceaux ou d’Italie avec des cheveux que lui donna la nature… » Puisque les servantes peuvent s’en parer, les femmes à la mode n’en porteront plus.

 

Source : Le Louvre.