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L’atelier de restauration des dessins du Louvre : Au plus près des dessins

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©RMN
Portrait de Giulia Bellelli
DEGAS Edgar

 

Porte des Lions, troisième étage, après de multiples sas et longs couloirs débordants de rayonnages d’archives, une porte s’ouvre enfin sur l’atelier de restauration des dessins du Louvre : silence, battement rythmé des pinceaux, crissement des feuilles, de nouveau silence. Puis, en musique de fond, le clapotis d’une colle d’amidon de blé en train d’être diluée. Cette préparation, réalisée d’après une recette ancestrale, est destinée à être appliquée sur un carton de Charles Le Brun. La restauration de ces œuvres est un des plus importants chantiers en cours. Après avoir nettoyé, consolidé et doublé avec du papier japonais chaque feuillet du carton, trois restauratrices les assemblent, élément par élément. L’œuvre sèchera environ 24 heures, puis le dessin sera de nouveau doublé, toujours avec du papier japonais et toujours avec cette fameuse colle.

André Le Prat, responsable de l’atelier, désigne une pile de papiers orientaux, essentiellement du kozo apprécié pour sa grande finesse et son excellente résistance aux chocs et variations hygrométriques : « le kozo est une variété de mûrier qui donne des fibres longues et fines, très robustes » commente une des restauratrices qui les a elle-même rapportés de son dernier séjour au Japon.
 

L’équipe de l’atelier, qui réunit une vingtaine de personnes, intervient chaque année sur près de mille dessins, le plus souvent à l’occasion d’expositions organisées au Louvre ou dans d’autres musées : « une exposition c’est environ 50 à 100 dessins, avec une moyenne de trois mois de préparation pour chacune d’entre-elles », détaille André Le Prat qui valide chaque protocole. Et avec près de 150 000 dessins conservés au Louvre, l’activité de restauration des dessins est loin d’être épuisée… Ces derniers mois, outre l’intervention sur les cartons de Le Brun, la restauration de plusieurs albums factices, les restauratrices des Arts graphiques auront aussi entrepris une campagne de remontage des quelque trois cent pastels conservés encadrés. Cette opération est menée avec la participation de l’atelier de restauration des cadres du Musée du Louvre et celui du Rijksmuseum à Amsterdam.

Les secrets de l’encre

Cet atelier de restauration, l’un des rares en France à faire partie intégrante d’un musée, est aussi un lieu de formation qui accueille régulièrement des professionnels étrangers et des stagiaires. Autour d’une grande table, les dernières restauratrices arrivées ici – la population est plutôt féminine – viennent de mettre la touche finale à une boite destinée à la conservation d’un dessin long de 2,50 m. Elles vont en profiter pour observer la préparation de l’encre de chine. L’encre est un des trésors du lettré, avec le pinceau et le papier. Le bâton d’encre est frotté sur cette pierre avec un peu d’eau. La proportion d’encre et d’eau détermine l’intensité et permet de ménager les contrastes, des effets que les restaurateurs ont depuis longtemps expérimentés. 
 

Car, en plus de restaurer et conserver les dessins, l’atelier du Louvre participe pleinement aux diverses activités muséographiques lors des expositions. André Le Prat ressort des réserves une imposante gravure pour la démonstration. L’estampe a été montée sur un support peint au lavis, à l’encre de Chine. « Le bordage a également été travaillée », signale aussi André Le Prat en effleurant du doigt de subtiles touches de rouges. Comme seize autres, cette scène de guerre sur fond de paysage grandiose a été dessinée par le peintre jésuite, G. Castiglione au milieu du XVIIIe siècle, une commande de l’empereur de Chine Quian-Long. Le visiteur du Louvre a découvert cette histoire mêlant esthétique et relations diplomatiques l’année dernière, lors de l’exposition “Les Batailles de l’empereur de Chine”. Sur fond anthracite, ces estampes illustrant les exploits de l’empereur restaurées ici-même, ont repris vie. Au loin, les montagnes. Aux flancs des collines, la colossale armée livre bataille : ces yeux vous scrutent, vous n’y échapperez pas.

Source : Le Louvre

 

Titre : le passage du Rubicon par César
Artiste ou origine : FOUQUET Jean
Département : Département des Arts graphiques
Localisation : Musée du Louvre
Copyright photo : © 2004 Musée du Louvre / Erich Lessing